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Les établissements métallurgiques du Parc naturel régional Périgord-Limousin
France > Nouvelle-Aquitaine
Historique
Les premières mentions de l'activité métallurgique se trouvent dans la profession de certains personnages tel les Faure, qualifiés de marchands de fer au 15e siècle. Leur surnom de Bailhot, employé dès 1460, proviendrait de la forge du même nom sur la commune de Savignac-de-Nontron et pourrait indiquer la présence de l'activité à cet endroit. En 1505, le métier de maître de forge est cité à Jommelières, puis sur les établissements voisins du Bandiat et de la Nizonne, comme Bonrecueil établi en 1539. Le minerai de fer, tiré dans les sols calcaires jurassiques, s'effectuent généralement en plein air dans les communes qui bordent le Bandiat en aval de Nontron et jusqu'en Charente.
À ce titre, les vallées du Bandiat et de la Nizonne semblent être le berceau des installations sidérurgiques, mais d'autres établissements s'éloignent progressivement des zones d'extraction du minerai, notamment dès la seconde moitié du 16e siècle et tout au long du 17e siècle sur des cours d'eau plus au nord. Ainsi, la Tardoire, le Trieux et les parties amont du Bandiat et de la Dronne sont anthropisés (Ballerand vers 1550, Dournazac vers 1570, Lavallade en 1580, la Rivière vers 1600, Firbeix en 1608...) jusqu'à la dernière construite : Vialette à Jumilhac-le-Grand en 1693.
À partir de 1750, plusieurs propriétaires, dont le marquis de Montalembert, se rendent compte du potentiel de ces forges, en particulier leur utilisation pour fabriquer des pièces d'artillerie (boulets, canons) envoyées à l'Arsenal de Rochefort. Dans un but qualitatif et de rendement, Montalembert reconstruit les forges de Bonreceuil, de la Chapelle, de Jommelières et Forgeneuve avec chacune deux hauts fourneaux accolés pour fondre d'importante pièces de fonte. Les dernières constructions de haut fourneaux et de modernisation des forges à feux d'affinerie datent des années 1820-1830 (Vialette, la Barde, Ballerand, la Rivière, Graffanaud).
Dès 1850, la modernisation de l'industrie sidérurgique internationale, motivée par la fonte à la houille, ainsi que le traité de libre-échange entre la France et l'Angleterre portent des coups sévères aux forges rurales à charbon de bois. Celles du périgord-Limousin s'éteignent une à une au cours de la seconde moitié du 19e siècle ; avec elles les emplois indirects (tireur et laveur de minerai, charbonnier, roulier...). Seules les tréfileries-pointeries de la Rivière (IA87010605) et de la Couade (IA87010622), ainsi que la forge des Feynières (IA24005180) subsistent au 20e siècle, grâce à une modernisation des installations et l'usage du coke anglais.
Au 20e siècle, plusieurs sites de forge sont reconvertis et/ou rapidement abandonnés ou détruits. Si les hauts fourneaux, aux maçonneries importantes, ont plutôt bien résisté à l'abandon, aucun bâtiment abritant des affineries n'a été conservé.
En 1976, le site de Forgeneuve (IA24005174) (hauts fourneaux, halle, ponts sur le Bandiat) a été protégé au titre des Monuments historique.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 15e siècle Principale : 16e siècle Principale : 17e siècle Principale : 18e siècle Secondaire : 19e siècle |
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Description
Forges à hauts fourneaux
Sur les 25 forges à haut fourneau connues dans les sources (archives, plans), 19 ont fait l’objet d’une étude particulière. Sur les 19 hauts fourneaux : 8 ont été détruits, 6 sont à l’état de vestiges plus ou moins dégradés, 5 sont en bon état général, dont 1 protégé au titre des Monuments historiques (Forgeneuve). Ces chiffres, meilleurs que dans d’autres régions métallurgiques historiques (Est et Nord de la France) peuvent s’expliquer par de faibles bouleversements après l’activité métallurgique. Un site sur quatre est reconverti en conservant plusieurs bâtiments techniques (du moins les emplacements) ; pour le reste un abandon voire une destruction totale des bâtiments. Les forges à haut fourneau sont des établissements de première fusion de la fonte.
Les principales rivières faisant mouvoir ces établissements sont le Bandiat (5), la Dronne (4), l’Isle (4), la Tardoire (2), la Valouze (2), le Périgord (2), la Nizonne (2), le Trieux (1), la Loue (1) et les ruisseaux Noir (1) et des Forges (1). Parmi celles-ci, 13 utilisent la force motrice d’un étang retenu par une digue en pierre, les douze autres sont placées sur le cours d’eau dérivé à l’aide d’un ou plusieurs seuils-déversoirs.
Ces implantations correspondent à une distance inférieure à 35 kilomètres du minerai de fer. Au-delà, les établissements ne sont pas rentables, ce qui explique la faible implantation de hauts fourneaux côté Haute-Vienne (3 à Saint-Yrieix et alentours, 1 à Bellerand, 1 à la Rivière). Les zones d’approvisionnement en minerai de fer sont bien établies : les hauts fourneaux de l’ouest et du centre du territoire se fournissent dans les minières du Bandiat et de l’est charentais, ceux de l’est vont dans les régions d’Excideuil et d’Hautefort. Le charbon de bois est, quant à lui, une produit fabriqué sur toutes les communes.
Singularité des hauts fourneaux accolés
Les forges de la Chapelle, Forgeneuve, Jommelières et Bonrecueil ont conservé leurs hauts fourneaux accolés, bâtis dans le même massif de maçonnerie. Cette disposition est connue vers 1650 à la fonderie de Saint-Gervais (38) ou à l’arsenal de Rochefort en 1669. Doubler la quantité de fonte en deux coulées simultanées se révèle avantageux pour la fabrication des canons de gros calibres (36 et 24, c'est-à-dire pouvant tirer des boulets de 36 et 24 livres) à destination des arsenaux de marine. Les forges à hauts fourneaux accolés sont peu nombreuses, moins d’une vingtaine en France (l’une des plus importante est celle de Dampierre-sur-Blévy (18)), mais au nombre de 8 connues au 18e siècle en Dordogne (en dehors du Parc : Ans, Savignac-Lédrier, Le Bugue, Plazac).
Ces constructions correspondent aux progrès techniques adoptés dans les forges à couler des canons, notamment l’installation de foreries horizontales avec appareils de levage, permettant d’évider un canon coulé plein. Ces foreries (toutes disparues) sont attestées à partir 1753 à la Chapelle puis à Forgeneuve, Bonrecueil et Ruelle donnant des milliers de produits finis à l’Arsenal de Rochefort.
Forges à fer avec affineries et marteaux
Toutes les forges à hauts fourneaux sont aussi équipées d’un bâtiment où l’on retraite la fonte en fer grâce à des feux d’affineries (foyers ouverts). En dehors de ces établissements, quarante-quatre forges à fer se sont spécialisées dans la fabrication du fer issu de la fonte. Leur implantation est aussi ancienne que les hauts fourneaux au début du 16e siècle, notamment celles placées sur le Bandiat à Savignac-de-Nontron (Chez Baillot, Brouillaud, Forge-Basse…). Aucune d’entre elle n’a conservé de matériel (cheminées d’affineries, marteaux…), ni un bâtiment en élévation complète. Les seules images permettant de se figurer ces bâtiments sont les plans et les élévations dessinés au 19e siècle dans un cadre réglementaire. Dans le meilleur des cas, il ne subsiste que quelques pans de mur, comme à la forge de la Chabroulie sur le Nozon (Champniers-Reilhac), même si le bâtiment a été transformé en moulin vers 1840. Seules quatre forges à fer ont fait l’objet d’une notice. Celle du Buisson sur la Tardoire conserve d’importants bâtiments annexes (habitation, logements, halle à charbon), celle de Lamendeau sur le Trieux a été remaniée en filature, celle de la Couade sur le Nozon, devenue tréfilerie jusqu’en 1941, celle de Chapellas sur la Dronne transformée en hôtel-restaurant. Cette dernière est historiquement associée au haut fourneau de Lamaque (placé une centaine de mètres en l’amont) et parce que des fouilles archéologiques survenues lors de la déconstruction du seuil-déversoir ont apporté des éléments techniques et de contexte.
Informations complémentaires
Brève histoire des établissements métallurgiques
Du bas au haut fourneau
La présence de bas fourneaux, principalement autour de la vallée du Bandiat au sud-ouest du territoire, prouve l’installation d’ateliers de fabrication des métaux dès l’époque gallo-romaine. Le minerai de fer, ramassé sur place puis fondu dans les bas fourneaux de terre, a laissé dans des espaces aujourd’hui boisés de nombreuses scories (résidus de fonte). La technique de fusion directe se prolonge jusqu’à la fin du Moyen Âge, moment où se démocratise le haut fourneau. Inféodé aux cours d’eau, sa cuve est chauffée au moyen de soufflets actionnés par une roue verticale. En 1460, la mention d’un certain Pierre Faure, alias Bailhot, marchand de la ville de Nontron, indiquerait l’établissement d’une forge à fer au lieu-dit Chez Baillot à Savignac-de-Nontron.
Âges d’or de la fonte et du fer (16e – 1830)
La présence sur place des matières premières nécessaires à la fabrication de la fonte (minerai de fer, charbon de bois et castine) incite une implantation rapide des hauts fourneaux sur les cours d’eau du territoire. Les vallées du Bandiat et de la Nizonne, riches en minerai de fer, semblent accueillir les premières installations au cours du 16e siècle (Jommelières en 1505, Bonrecueil et Forgeneuve sont actives vers 1530). La fonte obtenue peut être commercialisée brute ou transformée en fer dans des forges à affineries. Ces établissements s’installent, eux, sur les parties amont du Bandiat, notamment sur les communes de Savignac et Augignac. Si plusieurs bâtiments techniques ont disparu, les habitations de maîtres de forge conservent des caractéristiques architecturales de cette époque, notamment des ouvertures à chanfrein droit ou concave (La Chapelle, Forgeneuve, les Feynières, Bonrecueil).C’est à la fin du 16e siècle et au début du 17e siècle que s’établissent un grand nombre de forges, notamment sur les rivières de la Tardoire, du Trieux et de la Dronne. Comme l’écrit en 1709 Clément Hugon, propriétaire-exploitant des forges d’Étouars et du Raux, la forge est « l’âme » d’un domaine, comprenant au minimum une trentaine d’hectares de terres et plusieurs métairies. Branche d’industrie florissante, la fabrication de la fonte et du fer offre au Périgord-Limousin une renommée jusqu’en Espagne où sont vendues marmites et taques de cheminée dès le 17e siècle. C’est en parallèle que naît la coutellerie à Nontron. Mais c’est le développement de l’artillerie (canons, boulets, armes…) aux 17e et 18e siècles, qui va donner l’occasion aux forges locales de fournir l’arsenal de Rochefort. La reconstruction des forges de la Chapelle, Bonrecueil, Forgeneuve et Jommelières à partir de 1750 en hauts fourneaux accolés, notamment sous l’égide du marquis de Montalembert et de son frère, est effectuée dans ce but. La fourniture de canons, notamment des plus gros calibres (24 et 36) s’effectue jusqu’à la Révolution, moment où la demande en artillerie baisse. Au début du 19e siècle, le secteur métallurgique du Périgord-Limousin emploie jusqu’à 1 000 personnes (hors emplois indirects). Un tiers de cet effectif se répartit entre les sites à haut fourneau de Jommelières, Laveneau et Étouars. À l’inverse, 35 établissements emploient en moyenne de 2 à 20 personnes. À cette époque, 52 forges sur les 79 que comptent les départements de la Dordogne et de la Haute-Vienne se trouvent sur le territoire actuel du Parc. Le travail, saisonnier, permet un fonctionnement des établissements durant 6 à 9 mois selon la quantité d’eau disponible.
Du ralentissement au déclin (1830-1885)
La pénurie de bois mais aussi l’absence de grandes voies de communication affaiblissent durement certaines forges. En effet, au cours de la décennie 1830, plusieurs demandes de construction de hauts fourneaux accordées par l’administration ne sont finalement pas réalisés par leurs propriétaires (Chez Bigot, Lavallade, Moulin Blanc…). À cela s’ajoute l’impossibilité économique de passer au coke ou à la houille (combustible obtenu après une réduction de charbon de terre) en lieu et place du charbon de bois, transformation déjà opérée dans les régions du Creusot et des bassins de Lorraine et de Saint-Étienne. Comme le rappelle un rapport de 1838, les « propriétaires n’auraient peut-être pu maintenir ces petites usines en activité, s’ils ne les géraient pas eux-mêmes, et s’ils n’y joignaient, pendant le temps des chômages, l’exploitation de propriétés rurales ». De petites forges, comme celles de la Chabroulie à Champniers-Reilhac, sont converties en moulin en 1840 après la mort du propriétaire. Deux exceptions notables sont les forges à hauts fourneaux de la Rivière à Champagnac et de Ballerand à Marval qui sont considérablement améliorées grâce à de forts investissements. Dès 1839, la Rivière est équipée de fours à réverbère fonctionnant à la houille anglaise. À la concurrence des produits intérieurs plane la menace des fers étrangers, qui s’achètent à meilleur coût après le traité franco-anglais de libre-échange signé en 1860. L’arrivée des voies de chemin de fer dès 1861 amplifie le phénomène de concurrence. Comme dans d’autres régions sidérurgiques au charbon de bois (Berry, Bourgogne, Bretagne…), les usines du territoire, petites et grandes, cessent leur activité. Seules trois forges poursuivent leur activité après 1885.
Vers la fin de la métallurgie
La forge des Feynières (Jumilhac-le-Grand), les tréfileries de la Couade (Saint-Mathieu) et de la Rivière (Champagnac-la-Rivière) sont les dernières à se maintenir jusqu’à la Première Guerre Mondiale. Vers 1910, les patrons des tréfileries et fabriques de pointes de la Couade et de la Rivière, obtiennent du département de la Haute-Vienne le passage du tramway à proximité de leur usine. Après l’arrêt de l’activité aux Feynières vers 1920 et à la Couade en 1941, seule l'usine de la Rivière poursuit sa production de fil de fer et pointes grâce à son rachat par le groupe lorrain de Wendell. La fermeture est officielle en 2001 sous la bannière E.P.I. En Dordogne, seule la tréfilerie de Périgueux poursuit, à ce jour, cette activité historique.
Type de dossier |
Dossier thématique |
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Référence du dossier |
IA87010654 |
Dossier réalisé par |
Grollimund Florian
Chercheur communauté de communes Médoc-Estuaire (2013-2015). Chercheur PNR Périgord-Limousin (2016-2020). |
Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2020 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Parc naturel régional Périgord-Limousin |
Citer ce contenu |
Les établissements métallurgiques du Parc naturel régional Périgord-Limousin, Dossier réalisé par Grollimund Florian, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Parc naturel régional Périgord-Limousin, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/f89dd027-e498-4942-ac7b-b96f8df2c26f |
Titre courant |
Les établissements métallurgiques du Parc naturel régional Périgord-Limousin |
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